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L’itinéraire doctrinal de Monferrier Dorval

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L’itinéraire doctrinal de Monferrier Dorval

 

Le départ prématuré du Professeur Monferrier Dorval dans les circonstances tragiques que nous connaissons tous nous donne l’occasion de réfléchir sur son parcours scientifique. Il a été de ceux qui malgré les contraintes du milieu haïtien se sont souciés de mener avec constance une activité scientifique constituée d’enseignement et de production de réflexions sur le droit. Il a accompagné des dizaines d’étudiants dans la rédaction de leurs mémoires, publié de nombreux articles et est intervenu dans des évènements scientifiques en Haïti et à l’étranger. De front il a mené des carrières d’enseignant-chercheur et d’avocat comme on est souvent obligé de le faire dans le contexte de la mauvaise organisation de l’enseignement supérieur dans le pays.

 

En dépit de son investissement personnel en temps et en énergie Monferrier Dorval nous a surtout laissé une introduction générale au droit à l’usage des journalistes réalisée pour l’IFES, de riches contributions à des ouvrages collectifs et son Droit constitutionnel de la nationalité que nous pouvons considérer comme son testament intellectuel. Son ambition était pourtant à la hauteur des réalisations des auteurs comme André de Laubadère, René Chapus et Louis Favoreu qui l’avaient tant marqué intellectuellement. Mais faire de la recherche et publier en Haïti c’est faire œuvre de bénédictin et embrasser un sacerdoce.  Me Dorval a su pourtant faire preuve de détermination avec pour but ultime d’assurer le développement du droit public en Haïti. Aussi a-t-il suscité de nombreuses vocations et insufflé le gout de la recherche à nombres de ses étudiants.    Tant du point de vue de son action comme enseignant-chercheur que de sa pensée, il a été un passeur. Il transmettait aux plus jeunes cette mission de promotion d’une discipline mais aussi cette foi en l’utilisation du droit comme moyen de transformation sociale. Aussi, son itinéraire doctrinal s’inscrit-il dans une lignée de publicistes haïtiens à qui il ne ratait pas une occasion à rendre hommage.  Louis Cornelius Thomas son ancien professeur à l’Université d’État d’Haïti et Hannibal Price, ce pionnier du droit administratif en sont les principaux.

 

Louis C. Thomas fut docteur de l’Université de Bordeaux et spécialiste en droit administratif. Il enseigna pendant de longues années à la Faculté de droit et des sciences économiques de l’Université d’État d’Haïti. C’est surtout à travers ses activités d’enseignant que le chemin du jeune Monferrier Dorval croisa le sien. M. Dorval aimait d’ailleurs rappeler la vision de M. Thomas de l’administration publique haïtienne et recommander la consultation de ses ouvrages. C’est que M. Thomas en plus de ses activités d’enseignement se fit un point d’honneur d’analyser les questions de droit administratif haïtien notamment en ce qui concerne les collectivités territoriales.  Trois de ses ouvrages quoique désormais datés demeurent des classiques dont la lecture est de la plus grande utilité pour toute personne s’intéressant au droit public. Il s’agit de « Section rurale ou section communale, subdivision géographique typiquement haïtienne » ; « les communes de la République d’Haïti » et de « l’administration publique ».  Thomas ne se contentait pas de rendre compte du droit positif haïtien. Il recommandait une modernisation de nos structures administratives avec une définition d’une place spéciale pour le citoyen engagé pour la bonne gestion de la chose publique. Monferrier Dorval dans son enseignement et dans ses activités scientifiques avait fait sienne cette vision en adaptant la démarche du maitre au nouveau contexte d’Haïti.  Thomas a fait partie du Conseil de la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif à l’époque de sa transformation par la Constitution de 1987 et a travaillé aux cotés de hauts fonctionnaires dévoués comme Maitre Pierre Osselyn qui présida la Cour. Aussi, a-t-il œuvré à la fois comme enseignant, comme chercheur et comme membre de la juridiction administrative. Il s’est inscrit dans une tradition qui est celle de Hannibal Price, l’auteur du premier Cours de droit administratif haïtien et d’un dictionnaire de législation administrative haïtienne.

Professeur à l’École nationale de droit, Hannibal Price fut également avocat et travailla dans l’administration publique. Il fut membre de la société française de législation comparée. Il s’efforça dans le cadre de ses ouvrages à démontrer la singularité du droit public haïtien en le distinguant de celui de la France dont il ne se dégage pas totalement de l’influence. Me Dorval inscrivait sa démarche intellectuelle dans le même sens même quand il empruntait aux illustres collègues français les éléments de solution et une certaine grille analytique de la problématique administrative haïtienne.

Monferrier Dorval tout en inscrivant sa trajectoire intellectuelle dans la lignée de ses illustres devanciers s’en est distingué en élargissant davantage ses horizons. Il ne se voulait pas qu’administrativiste bien que sa thèse sous la direction du professeur Jean-Claude Ricci portait sur le droit de la fonction publique. D’ailleurs, dans la sphère médiatique il est surtout connu comme constitutionnaliste. Dans ce domaine sa pensée emprunte beaucoup à celle de son illustre professeur à Aix-en-Provence, Louis Favoreu. Partisan d’une interprétation dynamique de la Constitution, il appelait de ses vœux la mise en place d’une véritable juridiction constitutionnelle en Haïti. Pour reprendre la formule du célèbre aixois, il voulait que « la politique soit saisie par le droit ». En fait il voulait promouvoir l’ensemble du droit public longtemps parent pauvre de l’enseignement juridique en Haïti. Chaque aspect de l’action publique devrait selon lui être encadré par le droit d’où la devise de son Centre de droit public « Créer l’État haïtien de droit ». Son rôle de passeur n’a donc pas été passif. Tout en transmettant l’enthousiasme et la passion pour l’étude du droit public il a voulu que cette branche du droit soit appréhendée dans une plus grande diversité en intégrant notamment les champs constitutionnel et financier au centre de ses préoccupations.

Monferrier Dorval avait des convictions et une vision particulière des questions juridiques sur laquelle il ne transigeait pas. Cependant, cet apôtre du dissensus faisait la promotion de l’émergence des pensées contraires. Il ne voulait pas se limiter à faire école, il voulait faire naitre chez nous la culture de la controverse doctrinale.

Parallèlement il entendait mener une pratique professionnelle transcendant la traditionnelle summa divisio. Aussi, comme responsable scientifique du barreau de Port-au-Prince et ensuite comme bâtonnier il a œuvré pour que les diverses disciplines juridiques soient bien appréhendées par les avocats et promues au sein de la profession.

Conclusion

Après cette brève revue la trajectoire scientifique de Monferrier Dorval, on est traversé par deux sentiments. D’abord on est révolté par le constat qu’en l’espace d’un cillement on a pu détruire un des fils les plus compétents mais surtout les plus dévoués de notre Patrie. Dans un second temps on espère que les actions du professeur Dorval ne demeurent pas vaines. Il faudra au final que de ceux qui ont eu la chance d’être influencés par lui des passeurs émergent et se donnent pour mission de transmettre le relais aux plus jeunes. Le milieu ne les y encourage pas mais on peut espérer qu’ils trouvent quelque part les ressources pouvant les déterminer à ne pas baisser les bras.

 

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